Ajouter à mes favoris (Connexion requise)

La télédétection, un outil d’aide au pilotage des cultures

Posté par AIRBUS, le 21 juin 2017

Le recours au satellite dans le domaine agricole présente un précieux avantage :  recueillir rapidement des informations fiables sur l’état des cultures tout en faisant ressortir la variabilité spatiale et temporelle de cet état.

Ces informations sont utilisées comme indicateurs pour moduler un certain nombre d’opérations culturales et permettent d’établir un diagnostic des parcelles :

  • Comparaison inter-parcellaire, pour guider les décisions de gestion de production et d’optimisation de l’exploitation agricole ;
  • Analyse intra-parcellaire pour optimiser l’utilisation des apports aux cultures (semences, engrais, eau, etc.).

L’utilisation du satellite dans l’agriculture de précision permet la gestion et le suivi des pratiques agricoles à différentes échelles : nationale, régionale, locale et parcellaire. Cette dynamique permet de répondre à des problématiques diverses avec la précision adéquate : connaissance de la distribution spatiale des territoires agricoles, évolution de l’utilisation des terres agricoles, analyse de l’efficacité de mise en place de politiques agricoles, gestion de production et d’optimisation de l’exploitation, gestion spatialisée des interventions techniques et optimisation de la logistique pour n’en nommer que quelques-unes.

Qu’est-ce qu’au juste la télédétection ?

La télédétection regroupe l’ensemble des techniques qui permettent, par l’acquisition d’images, d’obtenir de l’information sur la surface de la Terre (y compris l’atmosphère et les océans), sans contact direct avec celle-ci. La télédétection mesure les propriétés radiométriques, également appelées « réflectance », des objets situés à la surface du sol. Suivant les applications concernées, on ne s’intéressera pas aux mêmes gammes de longueurs d’ondes, comme l’illustre la figure ci-dessous :

Figure 1 - teledetection2

Dans le domaine agricole, on va plus particulièrement s’intéresser à la biomasse, tant dans sa quantité que dans son activité. Pour cela, on analyse la courbe de réflectance de la végétation, dans les gammes de longueurs d’ondes d’intérêt que sont le rouge (440-520 nm), le vert (510-600 nm), le bleu (630-690 nm) et le proche infra-rouge (760-860 nm). Celles-ci permettent, en les combinant, de former une image dite multi-spectrale, qui peut être utilisée de différentes manières pour aider à caractériser la quantité de biomasse qui a une activité photosynthétique importante. Il existe plusieurs écoles pour étudier cette biomasse, mais il y en a deux principales. L’une consiste à calculer un indice de végétation normalisé, le NDVI, et l’autre des paramètres biophysiques.

  • LE NDVI

Le NDVI (Normalised Difference Vegetative Index) a été introduit en 1973 par Rouse et al. avec l’équation suivante :

ndvi

Où NIR correspond à la réflectance dans le proche infra-rouge et R correspond à la réflectance dans le rouge. Son calcul est simple et fournit une bonne estimation des différences de développement des plantes dans le champ : la carte NDVI indique les zones où le taux de végétation verte vivante est élevé et celles où il est faible. Cependant, la méthode NDVI présente certaines limitations, car elle ne fournit qu’une évaluation relative des différences de développement végétal. En effet, cet indice est sensible aux variations de luminosité, à l’angle d’acquisition de la prise de vue, au capteur, et il a tendance à saturer dès que la canopée recouvre intégralement le sol. Par conséquent, avec le NDVI, l’accès à une information absolue nécessite un étalonnage à l’aide de mesures au sol synchronisées avec les images acquises. Sans ces mesures sol, un suivi cohérent dans le temps n’est pas possible avec le NDVI.

  • LES PARAMÈTRES BIOPHYSIQUES

Une autre méthode, plus avancée, existe cependant. Il s’agit de l’extraction des paramètres biophysiques qui fournissent des informations directes sur les propriétés physiques de la végétation, de l’eau et du sol. Bien qu’elle exige l’utilisation d’algorithmes de traitement complexes et pointus, cette méthode permet d’obtenir une quantification absolue de la biomasse et de la nutrition azotée en calculant plusieurs indicateurs, tels que le taux de couverture végétale, l’indice de surface foliaire, la teneur en chlorophylle, le taux de couverture végétale non photosynthétique, etc.
Outre le fait qu’ils offrent une description précise des environnements naturels, permettant ainsi une meilleure classification de ces espaces, les paramètres biophysiques constituent des données d’entrée précieuses pour une grande variété de modèles tels que ceux de prévision de rendement, d’irrigation, etc. qui sont nécessaires à la création des produits d’information spécialisés nécessaires aux utilisateurs finaux.

Les paramètres biophysiques sont robustes et indépendants de l’angle d’acquisition de la prise de vue, du capteur ou des variations de luminosité. Ils peuvent donc être utilisés directement pour suivre une évolution et comparer une situation à deux instants donnés de manière objective, sans avoir recours aux mesures terrain. Combinés avec des modèles agronomiques, on peut en extraire des recommandations efficaces pour apporter la bonne dose d’engrais et d’eau, pour employer avec justesse les régulateurs de croissance et les pesticides, de façon à limiter in fine le recours aux produits chimiques et à diminuer l’impact de l’agriculture sur l’environnement.

Grâce à plusieurs années de recherche et de développement, notamment dans le cadre de projets nationaux et européens, les ingénieurs d’Airbus ont développé une méthode automatique et fiable pour extraire ces paramètres. Ils sont ainsi utilisés par les services agricoles d’Airbus depuis plus de 15 ans, comme par exemple pour l’agriculture de précision intra-parcellaire avec le service FARMSTAR, ou pour la création d’indices nationaux en support à l’assurance de la production fourragère.

Parmi ces paramètres biophysiques, trois permettent d’estimer la biomasse :

fCover, ou fraction de couvert vert, qui représente le pourcentage de la surface au sol occupée par les plantes ;
FAPAR, qui représente le pourcentage de lumière du soleil absorbé par les plantes dans le domaine de la photosynthèse. Directement corrélé avec l’activité photosynthétique, il permet – combiné avec d’autres indicateurs – d’évaluer à la fois la biomasse et le rendement ;
LAI, qui correspond à l’indice de surface foliaire, soit la portion de sole recouverte de feuilles.

Deux autres paramètres permettent, quant à eux, d’aller un peu plus loin et de qualifier les besoins des plantes :

Teneur en chlorophylle par unité de surface de feuilles qui, associée à la biomasse, permet d’évaluer la concentration en azote et de donner des recommandations d’apport en azote ;
FNPV, qui représente la fraction de végétation brune, non photosynthétique. Il peut indiquer un stress ou un certain degré de sénescence/maturité des cultures et donc être utilisé pour fournir des recommandations en matière de récolte ou d’irrigation.

Le fCover est obtenu à partir d’une inversion d’un modèle de transfert radiatif. Le modèle, à partir d’un ensemble de paramètres  (dont certains liés à la culture, à sa structure, à son état de développement et son état physiologique), simule la réflectance de la végétation dans le domaine du visible et de l’infrarouge. En comparant les valeurs modélisées à celles  observées par le satellite, il est possible de déduire la valeur des paramètres liés à la culture qui minimisent les écarts  entre valeurs de réflectance simulées et celles observées (technique d’optimisation basée sur une procédure itérative de Gauss-Newton). Dans cette approche, les caractéristiques des capteurs, les conditions d’observation et d’illumination sont intégrées afin d’apprécier correctement l’énergie lumineuse réfléchie par l’objet observé.
La réflectance mesurée est fonction du couvert végétal et du sol, perturbée par l’atmosphère, et décrite dans les bandes du capteur de télédétection. Aussi, le modèle de transfert radiatif est constitué de plusieurs modèles, construits à partir d’équations basées sur des propriétés physiques de la lumière :

  • Un modèle pour les effets atmosphériques, le modèle LOWTRAN (« Low Resolution Transmission ») ;
  • Deux modèles pour les effets liés au couvert végétal, le modèle PROSPECT (« Model of leaf optical Properties Spectra ») et le modèle SAIL (« Scattering by Arbitrarily Inclined Leaves »).

Airbus a ainsi développé Overland, une solution pour appliquer ce processus biophysique aux images de télédétection. La démarche choisie reprend les trois modèles présentés ci-dessus, avec une modification dans le modèle PROSPECT par l’ajout, dans la description de la végétation, de la contribution de la partie non photosynthétique (i.e. partie sèche).
Le modèle contient en fait deux composantes, l’une de végétation verte, l’autre de végétation sèche, paramétrées indépendamment afin de caractériser les différents types de végétation que peut contenir un pixel de moyenne résolution spatiale. Un quatrième modèle est couplé pour prendre en compte la réponse spectrale spécifique du sol. Pour cela, une observation locale du sol nu permet de reconstruire son spectre dans les différentes longueurs d’onde du visible et de l’infrarouge. Cette référence, obtenue à partir d’une image, peut varier spatialement et temporellement selon les conditions locales d’humidité et de rugosité du sol.
L’inversion biophysique avec Overland est exécutée avec des images de luminance en entrée. Elle est conduite deux fois avec des paramètres différents permettant de discerner les pixels dits « non valides » contenant des éléments d’eau ou des nuages et les pixels dits « valides » correspondant à des surfaces terrestres (sol nu ou végétation) et pour lesquels seront uniquement conservés les paramètres biophysiques estimés en sortie.

Figure 4 - Overland

Les images satellites, comment ça marche ?

Les satellites utilisés sont placés sur des orbites situées entre 700 et 800 km d’altitude et acquièrent, sur simple programmation, des images en tous points du globe. Les satellites utilisés sont placés sur une orbite dite polaire et héliosynchrone, comme illustré sur la figure ci-après :

Figure 5 - Orbite polaire

Ils passent ainsi au-dessus de la surface terrestre à la même heure solaire locale, ce qui garantit une grande stabilité d’image en ce qui concerne les ombres, le relief, les couleurs. Leur trajectoire bipolaire leur permet également de passer régulièrement au-dessus des mêmes parcelles et donc de suivre dans le temps l’évolution des cultures.

Pour FARMSTAR :

Figure 6 - chaine de production

1- Les images FARMSTAR sont acquises aux stades clés de la plante via satellite, avion ou drone pour des conseils précis et au plus près des besoins des cultures.
2- Les experts d’Airbus ont mis en place une chaîne de traitement unique permettant d’analyser les images acquises indépendamment des conditions atmosphériques afin de produire des paramètres biophysiques fiables et comparables.
3- Les paramètres biophysiques (produits intermédiaires) permettent de décrire de manière absolue les caractéristiques physiques des cultures comme la biomasse et la teneur en chlorophylle des plantes.
4- Les paramètres biophysiques sont ensuite utilisés dans des modèles agronomiques, qui intègrent les caractéristiques culturales de chaque parcelle et les conditions climatiques et météorologiques depuis le semis, pour générer des cartes de préconisations adaptées à chaque parcelle.
5- Chaque conseil parcellaire est validé par les experts des instituts techniques Arvalis – Institut du Végétal et Terres Inovia avant livraison aux agriculteurs.
6- Les cartes de préconisations sont ensuite livrées aux agriculteurs via le portail web sécurisé FARMSTAR, l’extranet des organismes ou par courrier postal.
7- Les agriculteurs reçoivent des alertes maladies afin d’assurer un traitement préventif en cas de risque élevé.
8-9 et 10. Les agriculteurs bénéficient d’un accompagnement personnalisé de la part des techniciens des organismes, pour une application directe des conseils dans leurs parcelles. Une application de modulation automatique est disponible pour les conseils impliquant une application au champ (Plus d’informations sur www.farmstar-conseil.fr)

Pour l’Indice de Production Fourragère

Fort de l’expérience acquise dans le domaine agricole, Airbus a élargi son offre, il y a deux ans, en proposant un Indice de Production Fourragère (IPF) dérivé de l’imagerie satellite. Cet indice, utilisé par les assureurs du monde agricole, permet de représenter une variation de production de biomasse des prairies. En cas de déficits fourragers, les éleveurs sont indemnisés et peuvent acheter les aliments pour leurs troupeaux.
L’indice de Production Fourragère mesure la fraction de couvert vert productif, le « fCover ». La corrélation entre cet indice et la pousse réelle a été établie à la suite de travaux de recherche conduits en 2012 et 2014 sur plusieurs sites, et a donné lieu à trois publications scientifiques.
En effet, si l’on veut établir un indice fiable de la pousse de l’herbe et estimer la variation de production de façon objective, il est nécessaire de s’appuyer sur une référence historique étendue. Airbus a donc analysé une base d’archive d’images satellite remontant jusqu’en 2003 et couvrant toute la France. Une base de données de production mensuelle et annuelle a ainsi été constituée, permettant notamment d’identifier les années exceptionnelles ou encore de définir une moyenne pluriannuelle qui sert de référence pour déterminer les carences.

Figure 7 - production fourrage

L’Indice de Production Fourragère Airbus a été validé par le ministère de l’Agriculture, et a été adopté par de nombreux assureurs. Il permet de déclencher des indemnisations sans visite d’expert, ce qui le rend très apprécié de la profession agricole : à l’aube de sa seconde année de commercialisation, l’IPF est déjà utilisé sur 107 000 hectares, au travers de 1 400 contrats d’assurance souscrits par les éleveurs.

Figure 8 - carte du taux de perte

Quid des drones ?

Au-delà de la plateforme, c’est le capteur embarqué qui prévaut. En effet, la qualité des données mesurées est le seul facteur discriminant. Les drones et satellites, loin d’être opposés, sont complémentaires et permettent de répondre de manière optimale aux besoins de suivi des cultures.
Le principal avantage du satellite, comparé aux drones, est qu’il est capable de couvrir, en un seul passage, de très grandes zones avec une résolution largement suffisante pour un suivi intra-parcellaire. C’est le cas par exemple des satellites SPOT 6 et SPOT 7 d’Airbus utilisé pour élaborer les conseils FARMSTAR. De plus, les satellites ne nécessitent aucune autorisation de survol et peuvent donc acquérir des images de n’importe quelle zone. Ce n’est pas le cas des drones, et ces derniers ont également des capacités de couverture bien plus réduite que les satellites d’observation. Cependant, leur atout majeur vient de leur capacité à voler à de très faibles altitudes. Ils peuvent ainsi passer sous les nuages, et acquérir des images même en cas de très fort couvert nuageux.
C’est pour cela que les campagnes FARMSTAR intègre désormais, en complément des images acquises par satellites ou avion, des données provenant de drones.

Retour